Moments de répit – Sophie Brasseur

23 juin 2024

Illustration : Sara Beta – Ateliers du 94

Moments de répit

Sophie Brasseur

La Soucoupe accueille des enfants présentant des difficultés à s’intégrer dans le cadre des offres extrascolaires classiques. Sous la forme du répit individuel, Émile et ses parents y trouvent un précieux repère/repaire. Sophie Brasseur témoigne :

Je ne vous apprendrai sans doute rien en disant qu’avoir un enfant extraordinaire (dans tous les sens du terme) demande une attention de tous les instants et une énergie colossale. Je dis souvent que, quand Émile est là, je n’ai plus que la moitié de mon cerveau ! L’autre est occupée à veiller, à décoder, à découvrir avec lui, à soutenir parfois, à anticiper ou contenir – mais là, ça prend tout le cerveau ;-). Alors les moments de pause sont rares, voire inexistants.

Faire ses courses avec une moitié de cerveau et anticiper les difficultés potentielles liées aux angoisses, aux rituels de notre enfant, c’est énergivore, parfois démoralisant et difficile, mais en tout cas jamais tranquille. Les moments de flou, la vie moins organisée du week-end peuvent parfois générer de l’angoisse (chez Émile en tout cas) ; ce qui devrait être un moment de repos pour tous ne l’est en fait plus pour personne.

C’est pour cela que du côté des parents, les ASBL telles La Soucoupe, ou les personnes qui proposent du relais sont vraiment essentielles. Elles permettent une respiration, une vraie pause pendant le week-end, les vacances ; ou plus simplement permettent de réaliser tranquillement des activités de la vie quotidienne, de passer un moment privilégié en couple ou avec un autre enfant de la famille.

Mais de notre expérience, ces personnes relais, ces endroits ne sont pas précieux que du côté des parents. Les moments de répit en individuel que passe Émile avec Alison ou Alix sont aussi pour lui l’occasion d’expérimenter de nouvelles activités, qu’au fil du temps il a pu choisir par lui-même. C’est aussi passer un temps privilégié, du bon temps, hors du cercle familial avec une personne qui n’a une visée ni thérapeutique ni éducative – mais en ayant toutes les qualités –, où il expérimente la relation. Avec Alison et Alix, Émile rit, fait des blagues et dialogue à sa manière, c’est fun. Petit à petit, il a appris à faire des demandes de plus en plus ciblées et ses souhaits sont entendus le plus souvent possible. Bien sûr, il le fait aussi à l’école ou au Courtil, mais le répit est un moment privilégié, hors cadre mais contenant, où, a priori, il n’y a pas de projet ; ce qui laisse une large place aux possibles et à la flexibilité.

Autour de cette forme d’accueil, les moments informels de discussion, autour d’un thé, d’un verre, à la maison permettent à tous d’exprimer des vécus parfois plus difficilement partageables dans le cadre institutionnel. Une relation de proximité se noue peu à peu entre tous. La confiance se construit. Même si nous n’avons jamais eu de difficultés à partager avec les intervenants des structures qu’a fréquentées Émile, je pense que pour certains parents c’est beaucoup plus compliqué. Alors ces lieux où nous rencontrons des personnes acteurs du répit pour tous, ces endroits où il n’y a ni rôle à jouer ni attentes peuvent constituer des repères importants pour une famille. Ces moments de qualité sont essentiels et participent à l’équilibre de tous.