Malice – Anne Semaille

21 janvier 2025

                                                                                                                                                                                                                         Illustration : Elizabeth Oszczak, Ateliers du 94

Malice

Anne Semaille

Le témoignage de la famille de Briac et de son parcours sont repris dans un livre Attention, a peur ! [1] qu’il est important de lire. Il nous enseigne sur ce qui a permis à la famille de rencontrer Briac, et, à partir de là, lui permettre une ouverture aux autres. Il est aussi une conversation avec certains intervenants qui l’ont accompagné dans sa recherche de stratégies. « Attention, a peur ! » que Briac prononce pour démarrer une rencontre semble être une sorte de nomination du symptôme de ce sujet au travail de se défendre de ses angoisses.

Nous avons entendu Anne-Cécile Nackaerts, la mère de Briac, qui dès sa naissance s’est montrée impassible aux commentaires pointant les difficultés pour faire, de manière décidée et délicate, le pari du sujet dans sa façon singulière d’être en lien, lui conférant un temps précieux pour que « s’estompe l’angoisse », pas sans la petite communauté enfantine que constituaient ses sœurs à peine plus âgées que lui. La langue inventée, briacienne, était partagée avec elles. Un regard tranquille se posait sur lui. Immergés dans cette langue et ce monde briaciens, progressivement le lien à sa mère se détache sans coupure. Cela lui a permis de suivre son parcours.

Ce temps du consentement à travestir sa propre voix, à interpréter la colère, la joie…, à se saisir de sa langue à lui comme autant de petites fêlures dans la bulle autistique a permis, permet l’émergence d’une énonciation d’une position de sujet de Briac, et ce aujourd’hui, dans des moments de malice calculée – ou pas – des parents, sœurs ou intervenants.

À prendre en compte l’immuabilité qui inclut la dimension de mouvement, les choses se complexifient, se diversifient pour lui dans son ouverture au monde et aux autres. Il a fallu l’originalité des solutions pour qu’il puisse traiter la répétition d’un trauma. Au sein même de ce monde qu’il cherche à constituer par la création de certitudes, Briac surgit. Au sein même de ce monde, la parole vivante, la sienne et celle de ces proches, pour des moments rares mais suspendus, trouve adresse et écho. Dans des moments inattendus, il surprend l’autre et se laisse surprendre.

Nous en avons eu une démonstration pleine de délicatesse lors de notre conversation avec Anne-Cécile Nackaerts.

 

[1] Allio D., Attention, a peur ! Conversation avec la famille d’un jeune autiste, Paris, Imago, 2023.