Circuler dans le monde – Mathieu Vanden Berghe
10 décembre 2024

Circuler dans le monde Illustration : Ghislaine Bordez – Ateliers du 94
Mathieu Vanden Berghe
La soucoupe organise des temps de loisirs pour des enfants et adolescents ne s’inscrivant pas dans des offres ordinaires. Lieu agalmatique, elle ouvre le champ à une possible rencontre entre le singulier de l’enfant qu’elle accueille et le désir de l’intervenant.
C’est dans le cadre du répit individuel, une des offres d’activités, que je rencontre Tom. Il prononce quelques onomatopées et ne fait que de se déplacer sur la pointe des pieds. À La soucoupe nous le prenons comme un jeune garçon à l’attrait particulier de se mouvoir.
Ayant un intérêt pour les activités silencieuses et le mouvement, la rencontre s’inscrit sur ces points. Les déplacements constituent le fil des offres proposées à Tom.
Nous nous immisçons, ensemble, dans le temps de la cité à travers trois moments :
- Tom a une passion pour la STIB. Je décide de nous rendre au dépôt de tram. Le responsable nous permet de découvrir et d’explorer le tram génération 3000. Tom se déplace, s’installe dans la cabine du conducteur ou encore à l’arrière du tram. Calme olympien, il observe ce lieu d’une importance capitale. Le responsable s’invite pour animer la visite ;
- Le deuxième moment se poursuit dans un musée de la ville. Me tenant par la main, Tom se déplace en jetant un œil sur les écrans, les images ou encore sur les séquences vidéo. Visite terminée, nous achetons et prenons le goûter. Sur le chemin du retour, il se rend à la caisse automatique pour payer le ticket de parking ;
- Au dernier rendez-vous, nous sortons dans les bois en empruntant les transports en commun. À chaque changement de direction, il est nécessaire d’attendre que le transport dans lequel nous étions quitte l’endroit, pour prendre le suivant. Tom me donne la main, la palpe ou la sent. Il est nécessaire d’initier le tempo de la marche pour qu’il puisse circuler.
Que ce soit une balade, la visite d’un musée, prendre les transports, acheter un goûter ou arpenter les rues bruxelloises, ces petits détails, en apparence sans importance, permettent à ceux que nous accompagnons de s’insérer, autrement, dans la cité.
Loin d’une norme commune ou à atteindre, La soucoupe offre la possibilité de servir d’appui et de croiser un autre en dehors de tout « savoir préétabli [1] ». Les intervenants se laissent surprendre et La soucoupe agit en soutenant leurs désirs décidés et orientés pour partager un temps de mouvement singulier avec l’enfant ou l’adolescent.
Cette clinique flash [2] ne peut s’opérer qu’en étant aiguillée par l’intérêt de l’enfant, la pratique à plusieurs et les réunions cliniques. Ces dernières sont précieuses tant elles permettent le renouvellement constant de la pratique et d’extraire, au plus proche, la singularité de ceux que nous accueillons.
[1] Poblome G., « Une pratique éclairée… par la psychanalyse », Hebdo-blog, n°182, 29 septembre 2019, disponible sur internet : https://www.hebdo-blog.fr/pratique-eclairee-psychanalyse/
[2] Terme élaboré en équipe.