La petite soucoupe, un lieu de passage singulier- Carina Arantes Faria

25 février 2025

La petite soucoupe, un lieu de passage singulier

Carina Arantes Faria

La petite soucoupe est un lieu de rencontre pour les tout-petits. Elle a été créée au sein de l’ASBL La soucoupe[1].

Pendant quelques années, j’ai suivi de près les demandes d’inscription pour les différentes activités de La soucoupe. L’âge de départ pour une inscription a toujours été l’âge d’obligation scolaire. Cependant, on recevait de plus en plus de demandes pour des plus petits. Les parents avaient souvent une panoplie d’informations venant du secteur médical, mais il me semblait que les difficultés quotidiennes restaient sans réponse. Ils cherchaient un lieu d’adresse pour pouvoir énoncer leurs questions de tous les jours…

Ce nouveau contexte par rapport à ces demandes que nous recevions a rejoint notre désir à La soucoupe. Avec une collègue, nous avons décidé de faire offre d’une clinique avec les tout-petits accompagnés de leurs parents et proches : un lieu d’accueil et de rencontre – une soucoupe pour les petits.

C’est ainsi que début 2024 nous avons lancé La petite soucoupe, ouverte sous forme de permanences, aux enfants de deux à six ans, portant – selon les critères diagnostiques en cours – des signes autistiques, des difficultés dans l’installation des premiers liens, une certaine détermination à ne pas parler…, accompagnés de leurs parents et/ou leurs proches.

Ainsi La petite soucoupe devient un espace où la parole peut circuler autour du jeu et/ou du mouvement qui saisit l’enfant à ce moment-là. Les deux intervenants présents sont davantage attentifs à deux choses : se faire partenaire de jeu et du mouvement de l’enfant, et se rendre disponible pour converser, accueillir la parole de l’adulte avec ses peurs, ses angoisses, ses incertitudes…

Un jour,

Joanne (4 ans), est venue à La petite soucoupe accompagnée d’une intervenante de l’institution qu’elle fréquente. Sa maman est venue les rejoindre avec le frère de Joanne, un petit garçon de deux ans. Chacun cherchait à s’installer parmi les autres sur notre grand tapis de jeux. Un petit habitué de La petite soucoupe s’est approché de Joanne et l’a invitée à jouer… Joanne, avec ses yeux à moitié fermés et son regard du coin de l’œil jouait avec un ruban multicolore avec lequel elle dessinait dans l’espace des mouvements circulaires autour de son corps et entre les autres, le regard appuyé sur la « danse du ruban ». Joanne est montée sur un muret d’où elle pouvait étendre le ruban dans toute sa longueur, le voir « danser » et, en même temps, voir tout le monde autour d’elle. Tandis que Joanne faisait danser ce ruban parmi les enfants, sa maman qui se trouvait parmi les adultes a pu parler de ses inquiétudes par rapport à Joanne, mais aussi de celles son frère : « Serait-il, lui aussi, autiste ? – se demande-t-elle, en ajoutant  Mais lui, il aime jouer avec les autres. »

Nous pouvons peut-être dire que la présence de l’intervenante et des autres enfants a été un premier support pour Joanne qui a trouvé assez vite une façon d’être parmi les autres et que dans le même temps, grâce au dispositif, le regard de sa mère a pu être accueilli ailleurs.

Un autre jour,

Ivan (5 ans), un garçon qui vient fréquemment à La petite soucoupe, est accueilli avec sa mère par Charlotte et moi. Sur le grand tapis de jeux, je choisis dans un grand bac, des figurines que je nomme : « Peppa-pig », « Belle », etc. Ivan accompagne ce jeu, répète les noms en lançant des mots épars. Ivan est bien occupé par ce jeu avec moi et il est alors possible pour sa mère de s’éloigner un peu pour converser avec Charlotte. Il voit sa maman s’éloigner, il la suit du regard jusqu’à sa disparition. Il me regarde et dit… « Daisy, la sœur »… « Sky, le chien rouge »… Ivan a continué de jouer… Pour la première fois, sans l’accroche du regard de sa mère.

Pourrions-nous avancer l’hypothèse que ce dont on fait l’expérience en ce moment à La petite soucoupe c’est, « comme la réalité augmentée de la séance analytique[2] ».

 

[1] La soucoupe est née en 2011 comme un espace de loisir et de répit pour enfants et jeunes autistes. Une offre aux parents qui ne trouvent pas de solutions pour les activités extrascolaires en milieu ordinaire. Actuellement, La soucoupe propose des activités adaptées qui ont été créés à partir de la rencontre entre les différentes situations amenées par les familles, la singularité de chaque enfant et le désir de l’équipe. https://soucoupe.be 

[2] Commentaire de Bogdan Kusnierek – extime de La soucoupe – au moment d’une réunion clinique.