Eau glacée – Sylvie Pot

                                                                                                                                                                                                                         Illustration : Elizabeth Oszczak – Ateliers du 94 Eau glacée

Sylvie Pot

Aux Ateliers du 94, nous accueillons depuis quelques semaines un garçon assez jeune ; nous l’appellerons Gaspard.

Gaspard est jovial et très expressif, voire exubérant.

Ce mercredi midi là, nous sommes à la salle à manger avec une partie des résidents et Gaspard.

Pour qu’il reste à table et mange, nous avons pris l’habitude de placer l’un de nous face à lui, pour travailler en miroir, en l’occurrence manger et boire.

Cela demande une attention de tous les instants, et il suffit d’une petite distraction pour que Gaspard se lève, abandonne son assiette et traverse la salle à manger de part en part, en faisant de grands gestes, non sans bousculer les repères des autres personnes.

Tandis qu’il est assis en face de ma collègue, je remarque en même temps qu’elle que Gaspard s’est emparé d’une serviette pour frotter une tache sur la table.

En chœur, nous saisissons cet instant et lui demandons s’il souhaite aider à nettoyer les tables. Il accepte. Nous allons chercher un seau rempli d’eau et une lavette. Gaspard trempe sa main dans l’eau, crie et la retire comme s’il s’était brûlé, tout en brassant l’air de ses bras. L’eau est en fait glacée. Une fois tiédie, Gaspard peut se remettre à la tâche, activité qui un temps le borde, et le borde même si bien qu’il ne pense plus à quitter la pièce.

C’est un exemple des toutes petites choses que nous mettons en place et qui mises bout à bout permettent à chaque sujet rencontré de trouver place au sein de la communauté. À condition de ne pas exiger qu’ils fassent des tâches, on peut repérer que, pour certains, aider est essentiel.